Sans que rien de leur teneur ne filtre, les conclusions du rapporteur public avaient douché les requérants -6 élus d’opposition au maire PCF de Boulazac Isle Manoire Jacques Auzou, dont son ancien challenger PS aux municipales 2020 et aux départementales 2021 Jérémy Pierre-Nadal. Elles penchaient en effet pour renverser la décision du tribunal administratif de Bordeaux, qui avait, en décembre 2020, jugé l’adjointe à la citoyenneté Fanny Castaignède inéligible et invalidé son élection. Sans surprise, le Conseil d’État a suivi les conclusions du rapporteur. La plus haute juridiction administrative de France a donc annulé lundi 02 août la décision du tribunal administratif de Bordeaux. Si les requérants s’inclinent naturellement, ils font tout de même savoir qu’ils ont peine à comprendre comment ce retournement a pu s’opérer. Ce revers pourrait même avoir un goût spécialement amer pour Jérémy Pierre-Nadal.
À Boulazac Isle Manoire, l’adjointe en charge de la démocratie participative, la citoyenneté, l’administration générale des communes déléguées et la vie locale Fanny Castaignède avait saisi le Conseil d’État pour contester le jugement du tribunal administratif de Bordeaux, qui, le 10 décembre dernier, avait considérée qu’étant inéligible, son élection au conseil municipal était invalidée. Et ses arguments ont convaincu la plus haute juridiction administrative de France, qui a annulé, lundi 02 août, la décision rendue en première instance.
C’est incontestablement une douche froide pour la partie adverse -six requérants*, dont l’ancien challenger PS du maire PCF de Boulazac Isle Manoire. Aux municipales 2020, Jérémy Pierre-Nadal avait été le candidat concurrent de Jacques Auzou. S’il n’avait pas pu empêcher sa réélection dès le 1er tour, au moins le résultat de sa liste avait-t-il permis d’introduire au conseil municipal une opposition qui s’applique depuis à tenter de faire entendre sa voix.
Aux départementales 2021, Jérémy Pierre-Nadal avait été pressé de retirer son binôme PS de la compétition au second tour, assurant de fait la victoire du duo PCF que Jacques Auzou formait avec Marie-Claude Varaillas. En acceptant cette concession, Jérémy Pierre-Nadal s’exposait peut-être à garder le sentiment d’avoir, au nom d’intérêts partisans supérieurs, passé son tour. Crédité en effet de 30,88% au 1er tour, il n’était pas exclu d’imaginer que le discours dissident de son groupe d’opposition Vivons Boulazac Isle Manoire, présidé par Jamel Fallouk, rencontrait au moins un écho dans l’opinion, bref, que le travail payait.
Dur-dur d’être dans l’opposition à l’équipe de Jacques Auzou
Pourquoi convoquer le souvenir de l’acceptation de ce récent effacement au moment où, avec cinq anciens co-listiers* de la bataille des municipales 2020 à Boulazac Isle Manoire, Jérémy Pierre-Nadal voit le recours en inéligibilité qu’il a porté devant le tribunal administratif de Bordeaux échouer définitivement ? Parce qu’il rappelle qu’avec ses co-requérants, le candidat PS avait déjà, sans qu’un motif soit officiellement avancé, expurgé celui-ci d’un morceau qu’il voulait aussi soumettre à l’appréciation de la justice. En effet, initialement, en plus de l’annulation de l’élection de la conseillère municipale Fanny Castaignède, c’était l’annulation de… l’élection municipale de Boulazac Isle Manoire sur laquelle un examen juridique était également attendu : les requérants se plaignaient de l’ « avantage direct » d’une personne morale dont Jacques Auzou aurait bénéficié pendant la campagne électorale des municipales 2020, précisant que c’était « totalement prohibé » (trois entités se retrouvaient citées).
Cette reculade inexpliquée, suivie d’une concession faite au nom d’intérêts partisans, risque d’amplifier la résonance de la décision que le Conseil d’État a rendue mardi 03 août, qui est sans conteste un revers pour les initiateurs du recours.
« Il est curieux que le conseil d’Etat ait préféré accorder de la valeur à une fiche de poste dont la date d’établissement ne peut être établie plutôt qu’à la fiche de recrutement qui a été publiée »
D’ailleurs, dans un communiqué diffusé hier mercredi 04 août dans lequel naturellement ils « prennent acte » de la décision de la plus haute juridiction administrative de France, les requérants indiquent également l’ « extrême surprise » qu’elle leur inspire. C’est l’incompatibilité supposée de la fonction de Fanny Castaignède au Grand Périgueux et sa candidature aux municipales qui était au coeur de leur protestation. Les requérants se demandent aujourd’hui pourquoi, sur le trajet du tribunal administratif de Bordeaux au Conseil d’État, l’importance de son poste a fondu comme neige au soleil. L’intéressée a cette fois été considérée comme participant ponctuellement au comité de direction de l’agglomération, au gré des besoins, ce qui tranche avec l’appréciation des juges en première instance, qui avait retenu… qu’elle en était membre. Les requérants insistent : « il est curieux que le conseil d’Etat ait préféré accorder de la valeur à une fiche de poste dont la date d’établissement ne peut être établie puisqu’elle n’est pas soumise à des obligations de publicité plutôt que la fiche de recrutement qui a été publiée sur le site emploi public, conformément à la réglementation en vigueur ».
« Le Conseil d’État est probablement plus attentif aux arguments d’un grand cabinet d’avocats parisien qu’à l’interprétation minutieuse et sérieuse d’un simple tribunal de province »
Et puis, de « proximité avec les élus », il n’est plus question dans les motivations du Conseil d’État, alors même que la délibération du 26 septembre 2019 du Grand Périgueux qui créait le poste précisait que la personne recrutée « coordonn(ait) (leur) travail ».
Pourtant, pointent les requérants, cette fameuse proximité est à leurs yeux patente avec l’un de ces élus notamment : le président du Grand Périgueux Jacques Auzou, dont Fanny Castaignède a été le chef de cabinet à la mairie de Boulazac.
De quoi s’interroger, poursuivent-ils, sur la nature réelle de ses fonctions actuelles, en se souvenant que celle-ci avait en effet déclaré avoir peu de relations avec les élus -Jamel Fallouk avait déjà, en décembre 2020, réclamé des « clarifications » à ce sujet au président Jacques Auzou, et il avait mis le préfet de la Dordogne en copie de son courrier. En effet, la délibération suscitée précise bien que ces fonctions exigent « un travail régulier et de proximité avec (ceux-ci) ». Avant qu’en conclusion, les requérants avancent un sous-entendu grave : « les membres du Conseil d’État sont probablement plus enclins à entendre les arguments d’un grand cabinet d’avocats parisien (dont Jacques Auzou et Fanny Castaignède se sont offert les services) qu’à l’interprétation minutieuse et sérieuse d’un simple « tribunal de province » ».