Les pitreries se sont décidément succédé pendant le déroulé de ces élections régionales 2021. En effet, il arrive un moment où il est ardu d’évoquer encore des dysfonctionnements. L’État a manifestement failli dans l’organisation du scrutin -sachant que celui des départementales 2021 n’a pas été épargné- c’est un constat, déconnecté donc des appartenances partisanes. Au point qu’en Nouvelle-Aquitaine, le candidat de la droite et du centre Nicolas Florian s’est demandé, prudemment certes, si le gouvernement ne le faisait pas exprès. Bénéficiant ainsi d’un surcroît de visibilité la veille du scrutin, dès lors que son message était vidé de l’explication qu’il avançait. Et décontextualisé.
Un communiqué de la préfecture de la Dordogne avait pu revêtir un caractère inhabituel, jeudi 24 juin 2021, à 17h23. Il mentionnait, comme celle de Gironde le même jour, le lien web qui permettait de « consulter les professions de foi des candidats ». En effet, la « défaillance du transporteur » de l’équipe LREM-MoDem de Geneviève Darrieussecq était dans toutes les têtes : il était acquis qu’il lui serait difficile d’acheminer elle-même les bulletins de vote dans l’ensemble des mairies, et que les électeurs néo-aquitains se passeraient définitivement de sa profession de foi. Pourtant, le message préfectoral de la Dordogne précisait bien qu’il s’agissait des professions de foi des candidats aux régionales 2021… et des candidats aux départementales 2021. Merci par conséquent d’écarter l’idée d’un coup de pouce opportun venu d’en haut à la liste de la majorité présidentielle, exposée à un désavantage suite au manquement de son « transporteur ». Au passage, était-ce bien un « transporteur » qui pouvait être en cause… quand, telle que l’affaire se présentait, il se murmurait que c’était… un imprimeur qui s’était loupé. Mais, poursuivait-on, s’il n’avait pas été choisi bien loin des terres de la Nouvelle-Aquitaine, non plus… et ça dit vouloir faire travailler local. Au fait, connaissait-on son nom ? Tiens, tiens, il ne figurait pas sur les affiches… et les cadres LREM taisaient précisément son identité. Les spéculateurs l’ont finalement situé dans le nord de la France. Bref, ça parlait sec.
L’indignation de Nicolas Florian pouvait-elle aller sans son explication (avancée sur la pointe des pieds) et décontextualisée ?
Reste que l’histoire rocambolesque dans laquelle les équipes LREM-MoDem de Geneviève Darrieussecq étaient empêtrées allait avoir une suite… et leur malheur allait devenir contaminant. Samedi 26 juin, peu après 16h15, l’équipe de campagne du candidat à la tête de la droite et du centre Nicolas Florian diffusait un communiqué dénonçant « la faillite de l’État dans l’organisation du scrutin régional » et il avançait son motif. Précautionneusement, ça va de soi. En effet, dans ce communiqué, Nicolas Florian « ne voulait pas croire » que l’État ait cherché à compenser le désavantage « d’une des listes ». Or, période de réserve oblige, faire état d’une protestation associée à un message relevant de la propagande électorale est interdit. À moins… à moins de dissocier la protestation de son fondement supposé, d’expurger l’incidente, à moins de vider le communiqué de son information principale. Non pas que « la faillite de l’État » dans l’organisation du scrutin n’ait pas été, à elle seule, un élément bigrement important, mais ce n’était pas ainsi que le sujet était abordé. Pourtant, l’indignation de Nicolas Florian allait être relayée plusieurs fois… Mais, réglementation oblige, en passant à la trappe son explication. Et, de fait, en décontextualisant son message. À la veille du scrutin, le candidat de la droite et du centre bénéficiait ainsi d’une nouvelle visibilité, sans que personne ne puisse s’en émouvoir. Bien joué, les relais.
Initialement, Nicolas Florian avançait que l’État avait failli pour refaire le retard prévu de Geneviève Darrieussecq
Maintenant que le second tour est derrière les électeurs, qui, en boudant massivement les urnes, ont au demeurant laissé les candidats et la démocratie avec, Gros-Jean comme devant, voici le communiqué intégral de Nicolas Florian :
« Nicolas Florian dénonce la faillite de l’Etat dans l’organisation du scrutin régional
Ce samedi 26 juin, des carences importantes dans l’acheminement de la propagande officielle et du matériel de vote demeurent.
En Dordogne, la propagande officielle n’aurait toujours pas été postée par les services de l’État. Dans certaines communes de la Vienne, des enveloppes vides ont été acheminées chez les électeurs. À Bordeaux, la propagande officielle n’avait toujours pas été distribuée à midi.
En outre, de nombreuses mairies sont toujours en attente de la livraison des bulletins de vote.
Je dénonce la faillite de l’État dans l’organisation du scrutin régional. Je n’ose pas croire que le retard de livraison du matériel de vote et de la propagande officielle par l’une des listes qualifiées au second tour soit la cause de ce retard fortement préjudiciable à la sérénité de l’exercice démocratique auquel sont appelés, demain, nos concitoyens. La représentation nationale devra, dès lundi matin, tout mettre en œuvre pour faire la lumière sur les conditions d’organisation de ce scrutin. »
Le gouvernement prêt à tout (et naturellement pas au meilleur) ?
Du passage « Je n’ose pas croire que le retard de livraison du matériel de vote et de la propagande officielle par l’une des listes qualifiées au second tour soit la cause de ce retard fortement préjudiciable à la sérénité de l’exercice démocratique auquel sont appelés, demain, nos concitoyens… », il n’a bien pas été fait état publiquement. Quand Nicolas Florian soupçonnait une démarche intentionnelle du gouvernement, dont on pouvait comprendre qu’il aurait été ainsi prêt à tout -et naturellement pas au meilleur- pour refaire la position de la liste de sa candidate Geneviève Darrieussecq en Nouvelle-Aquitaine, inévitablement désavantagée de l’avis même d’une de ses têtes de liste départementales. Hier dimanche 27 juin, peu avant minuit, cette explication avait disparu du propre fait de l’équipe du leader régional de la droite et du centre. Si, dans un nouveau communiqué, elle soulignait à nouveau « la faillite de l’État », elle n’en déduisait plus rien : « La majorité présidentielle et la République en Marche sortent sinistrées de ce scrutin ; l’abstention est restée au même niveau que dimanche dernier, à un niveau historiquement très faible, et pour cause, ce scrutin démontre la faillite de l’État c’est sidérant ; des carences importantes dans l’acheminement de la propagande officielle et du matériel de vote ».
L’expérience des municipales 2020 exemplaire ?
Après des municipales 2020 fort perturbées au point de connaître une abstention inédite, qui risquait d’apporter la preuve qu’un scrutin fort prisé des Français pouvait… ne plus l’être, voilà que les régionales 2021, élection nettement moins chouchoute, leur sont aussi passées très au-dessus de la tête. Comme si le désamour de l’opinion exprimé en mars et juin 2020 avait en effet été… exemplaire.