Dans un communiqué, Anticor 33 a indiqué que la candidate Rassemblement national (RN) aux régionales 2021 Edwige Diaz a fait l’objet d’une lettre de signalement adressée le 17 juin dernier au procureur du tribunal judiciaire de Bordeaux Frédérique Porterie. Le référent départemental en Gironde de l’association de lutte contre la corruption David Poulain confirme demander l’ouverture « rapide » d’une enquête préliminaire, puis la saisie d’un juge d’instruction pour déterminer si l’emploi d’assistante parlementaire d’Edwige Diaz (2018-2019) de l’alors député européen Jacques Colombier, également conseiller régional sortant qui emmène aujourd’hui la liste du RN aux régionales 2021 en Dordogne, est réel… ou fictif. Edwige Diaz qui est également déléguée départementale RN en Gironde, et élue d’opposition à Saint-Savin, réagit.
« On nous a adressé plusieurs témoignages écrits qui contestent la réalité de l’emploi d’assistante parlementaire d’Edwige Diaz auprès de Jacques Colombier en sa qualité de député européen en 2018 et 2019. Nous avons donc fait un signalement auprès du parquet de Bordeaux ». À ce jour, le référent départemental Anticor 33 en compte 4. « Ils émanent d’élus au conseil régional de Nouvelle-Aquitaine ou de personnes ayant travaillé avec Edwige Diaz ». D’anciens adhérents RN se seraient depuis rapprochés de David Poulain pour abonder cet ensemble de soupçons d’emploi fictif. Par ailleurs, « une dizaine d’élus et de cadres se sont dit prêts à être entendus par un juge d’instruction ». Aux yeux de tous ces témoins spontanés, cet emploi aurait correspondu à un « renvoi d’ascenseur ». Quand Jacques Colombier est devenu député européen, Edwige Diaz aurait, avec son époux dont elle est aujourd’hui divorcée, rencontré de grandes difficultés financières dans leur entreprise. « Cet emploi d’assistante parlementaire serait tombé à point nommé ».
« Les témoins se demandent tous comment Edwige Diaz pouvait couler plusieurs activités prenantes dans 24 h »
« Les personnes qui nous ont alerté ont en commun une interrogation : comment Edwige Diaz a-t-elle pu être en mesure de siéger à la région Nouvelle-Aquitaine, où elle aurait été très présente, soulignent-ils, et à la fois en mesure d’occuper un emploi d’assistante parlementaire ? Sans compter qu’elle a assuré des plateaux télé parisiens ». Ce n’était pas la première fois que David Poulain entendait ces propos étonnés : ils lui seraient revenus aux oreilles « à partir de septembre 2020 ». Aujourd’hui, ces témoignages à charge portés à la connaissance d’Anticor 33 iraient en outre au-delà des doutes sur la réalité de cet emploi. Dans le même temps, des « méthodes de management très personnelles », évoquant des « humiliations publiques » notamment, sont reprochées à l’élue régionale RN.
« Anticor 33 ne porte pas d’accusation contre Edwige Diaz, on demande simplement des réponses à des questions que nombre de témoins se posent »
« Pas question d’accuser Edwige Diaz d’avoir occupé un emploi fictif en bénéficiant d’un renvoi d’ascenseur. Notre signalement vise simplement à obtenir des réponses à ces deux questions », insiste David Poulain, qui précise que, si celles-ci établissaient que l’intéressée avait effectivement travaillé, Anticor 33 le ferait également savoir publiquement. « À ce jour, on est venu nous chercher pour que nous demandions des explications. Au vu du nombre de ceux qui ont effectué la démarche, nous étions obligés de procéder à ce signalement. Déjà parce que cela donne à Edwige Diaz le moyen de se défendre ». Les témoignages sont parvenus à Anticor 33 alors que Le JDD a, le 15 mai dernier, publié un rapport des policiers de l’office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), au terme 5 années d’enquête sur de potentiels emplois fictifs d’assistants parlementaires de députés européens Front national (FN devenu, le 1er juin 2018, RN pour Rassemblement national), et le Parlement européen a déjà estimé le montant de son préjudice, rapporte Le Midi libre : 6,8 M€ entre 2009 et 2017 -les années suivantes sont donc exclues du calcul cité. Par ailleurs, au plan interne, la patronne du RN de la Gironde est aujourd’hui contestée dans les rangs du parti, comme en Dordogne. Au vu des témoignages recueillis par Anticor 33, elle serait « à l’initiative de procédures d’exclusion en Gironde, dans les Deux-Sèvres, dans les Landes et en Dordogne ».
« Je répondrai si ce dossier est examiné… si tant est qu’il le soit »
Contactée, Edwige Diaz a très rapidement rappelé, et elle a volontiers apporté son point-de-vue à plusieurs questions.
Sur la réalité de son emploi d’assistante parlementaire du député européen Jacques Colombier, Edwige Diaz a déclaré qu’elle « répondr(a) si ce dossier est examiné… si tant est qu’il le soit ». C’est qu’encore faut-il que ce signalement soit jugé « recevable », a-t-elle insisté. Pour l’heure, la candidate RN au régionales 2021 « s’interroge sur le calendrier » de cette démarche. « Voilà 2 ans que je ne suis plus assistante parlementaire… » (même davantage au regard de la date de fin du mandat de Jacques Colombier). Ce calendrier ressemble à une manœuvre politique. Ce signalement a été adressé à la presse à 2 jours de l’élection ». Une autre question se pose à Edwige Diaz. « Les journalistes ont été informés de la démarche d’Anticor 33… avant moi ». La tête de liste RN aux régionales 2021 de Nouvelle-Aquitaine interprète ce signalement auprès du parquet de Bordeaux comme « une tentative d’instrumentalisation d’Anticor 33 ». Ou bien l’association se fait « manipuler » par conséquent… ou bien elle est « complice », poursuit-elle.
« Pour dire de telles bêtises, c’est une manœuvre d’opposants politiques, peu importe leur(s) couleur(s) politiques(s) »
La réalité de son emploi d’assistante parlementaire n’est pas le seul grief à l’égard d’Edwige Diaz, qui est aussi soupçonnée d’avoir obtenu cet emploi par « renvoi d’ascenseur ». Sur cette deuxième question, l’intéressée répond que c’est bien la démonstration que ce signalement est « le fait d’opposants politiques ». Car « pour dire de telles bêtises… », il n’y a pas d’autres possibilités. Opposants politiques qui se situeraient à quelle(s) place(s) sur l’échiquier politique ? « Peu importe, ce sont des opposants politiques ».
« Mon management est validé par Marine Le Pen »
Sur la remise en cause de ses « méthodes de management », Edwige Diaz réagit brièvement. « Je réponds seulement de mon management devant Marine Le Pen, qui m’a confié la tête de liste aux régionales 2021 en Nouvelle-Aquitaine ». Le silence du leader national du RN « veut dire qu’elles sont validées ».
« Pourquoi ces gens-là ne vont pas déposer plainte eux-mêmes ? C’est un manque de courage »
Enfin, Edwige Diaz se demande « pourquoi ces gens-là (les témoins évoqués par Anticor 33) ne vont pas déposer plainte eux-mêmes ? ». Elle juge que « passer par le truchement d’Anticor 33 dénote un manque de courage ». Sans compter que ses contempteurs « pourraient espérer qu’en passant par Anticor 33, leur action ait plus de retentissement ». En conclusion, Edwige Diaz se dit « sereine ». L’adjectif est celui que le président PS de la Région Alain Rousset, candidat à un 5e mandat, a utilisé, dernièrement. Est-ce à dire qu’elle souhaite s’exprimer sur l’enquête préliminaire ouverte par le parquet national financier au sujet de possibles faits délictueux pendant la campagne des régionales 2015 qu’il menait ? « Non, je laisse la justice faire son travail ». Aujourd’hui, Edwige Diaz se concentre sur la campagne des régionales 2021, dont le 2nd tour a lieu dimanche prochain. « J’oppose clairement le projet d’Alain Rousset au mien ».